Histoire

Aliénor d’Aquitaine, la reine hors norme de France et d’Angleterre

Publié le 17 octobre 2024

Gisant Aliénor d'Aquitaine Fontevraud

Reine de France puis d’Angleterre, partez à la découverte de l’histoire de l’emblématique Aliénor d’Aquitaine. Après une vie trépidante, le gisant de la reine, l’une des plus emblématiques du Moyen-Âge, repose aujourd’hui à l’Abbaye royale de Fontevraud.

Les temps forts de la vie d’Aliénor d’Aquitaine

Une vie trépidante

  • Vers 1124 : naissance d’Aliénor d’Aquitaine à Poitiers
  • En 1137 : Aliénor d’Aquitaine devient en quelques semaine, comtesse de Poitou, duchesse d’Aquitaine et reine de France à la suite de son mariage avec Louis VII
  • En 1154 : Aliénor d’Aquitaine devient reine d’Angleterre à la suite de son mariage avec Henri II Plantagenêt. Aliénor d’Aquitaine sera mère de 10 enfants : Marie de France, Alix de France, Guillaume d’Angleterre, Henri le Jeune, Mathilde d’Angleterre, Richard 1er, Geoffroy d’Angleterre, Aliénor d’Angleterre, Jeanne d’Angleterre et Jean Sans Terre.
  • Le 31 mars 1204 : Aliénor d’Aquitaine décède de vieillesse à Poitiers à l’âge de 82 ans

Un règne marqué par l’influence et l’ambition

Le 25 juillet 1137, Aliénor d’Aquitaine épouse Louis VII le Jeune. La jeune reine est ambitieuse et capable d’influencer son mari, fou amoureux d’elle. Mais au fil des années, l’entente du couple est soumise à rude épreuve, le fort caractère de la duchesse d’Aquitaine s’accordant mal avec celui de son époux.

Depuis quelques années, elle a troqué ses habits de légende noire pour devenir un modèle d’émancipation, d’intelligence et de culture. Aliénor d’Aquitaine, reine de deux royaumes ennemis et dont le gisant se trouve à Fontevraud, reste l’une des femmes les plus marquantes du Moyen Âge !

Martin Aurell, spécialiste de cette femme qui fut à la tête de la France, puis de l’Angleterre, livre les éléments-clés pour comprendre ce personnage essentiel dans l’histoire de l’Europe.

Intérieur de l'église abbatiale Fontevraud
Aliénor d'Aquitaine gisant Abbaye Fontevraud

Une légende noire entoure la mère aimante

En 1137, Guillaume X, duc d’Aquitaine, décède. Son fils, Guillaume, étant mort en 1130, l’Aquitaine et le Poitou reviennent à sa fille aînée, Aliénor. Selon les dernières volontés du défunt, la jeune fille est placée sous la protection du roi de France Louis VI « Le Gros ».

Aliénor se retrouve, dès ses 13 ans, héritière d’un très vaste territoire : l’Aquitaine. Peu de temps après, en 1137, son protecteur, le roi de France Louis VI “Le Gros”, la marie à son fils, Louis VII .

Elle a à peine treize ans, et lui dix-sept. Leur mariage est destiné à asseoir l’autorité capétienne sur l’Aquitaine et le Poitou, où le suzerain détient peu d’influence. Rapidement, Aliénor saura tirer parti de l’emprise qu’elle exerce sur son mari : elle aurait favorisé l’union de sa sœur avec le sénéchal du roi et imposé la campagne de Toulouse afin de récupérer l’héritage de sa grand-mère.

Elle participe à la deuxième croisade avec son mari, mais lui donne seulement deux filles. Pas de fils, donc pas d’héritier. « C’est probablement ce qui pousse Louis VII à la répudier, en 1152. »

Une « légende noire » entoure Aliénor. On l’a notamment accusée d’avoir trompé son premier mari. « Cela tient au fait qu’elle a abandonné le roi de France pour le roi d’Angleterre, et aussi au fait que c’était une femme qui ne voulait pas se laisser marcher sur les pieds, et défendre ses prérogatives en tant que duchesse d’Aquitaine. Ce genre de jugement a toujours existé : encore aujourd’hui, quand une femme droite, intelligente et travailleuse monte dans une entreprise, certaines personnes l’accusent de promotion canapé », raconte l’historien.

Louis VII « Le Jeune », le roi austère

La jeune reine installe avec elle à la cour de France poètes et troubadours, parmi lesquels elle a été élevée. Louis VII, son époux n’est pas d’un naturel aussi joyeux. Originellement destiné à une vie monastique, le jeune prince se retrouve propulsé sur le trône de France à la mort de son frère aîné. Fidèlement conseillé par l’abbé Suger, le roi préfère ainsi la compagnie de la Bible à celle de la Cour. Aliénor aurait confié : « J’ai cru épouser un roi et non un moine ».

« J’ai cru épouser un roi et non un moine. »

Aliénor d’Aquitaine à propos de Louis VII

Le meilleur parti de France

En 1145, le royaume est en liesse : la reine est enceinte. Mais, à la grande déception du roi et de l’abbé Suger, Aliénor accouche d’une fille, Marie.

En 1147, à la suite d’un prêche de Bernard de Clairvaux, Louis VII part en croisade, accompagné de son épouse. Là-bas, leur relation se dégrade, et quelques chroniqueurs accusent la reine d’adultère avec son oncle, Raymond de Poitiers et prince d’Antioche.

En 1150, Aliénor donne naissance à une autre fille, Alix. L’absence d’héritier à la couronne de France s’ajoute à la mésentente du couple royal. En 1152, avec l’intervention de l’Eglise, leur mariage est annulé pour consanguinité.

De nouveau, plusieurs nobles convoitent la main du plus beau parti de France. Mais la duchesse d’Aquitaine est pleine de ressources : 8 semaines après l’annulation de son mariage, elle épouse Henri Plantagenêt et sera couronnée à ses côtés en 1154.

Âgé d’une vingtaine d’années, Henri Plantagenêt n’était pas l’époux initialement souhaité par Aliénor. La duchesse d’Aquitaine avait initialement considéré l’idée de se marier avec Geoffroy, le père d’Henri. Cependant, la mort prématurée de ce dernier à la suite d’une baignade dans le Loir a empêché cette union de se concrétiser. Probablement séduite par le titre des Plantagenêt, qui étaient alors les ducs d’Anjou, elle choisit finalement d’épouser leur fils, Henri.

Livre gisant d'Aliénor d'Aquitaine Fontevraud
Gisants de l'Abbaye royale de Fontevraud
Cloitre architecture Abbaye de Fontevraud

Tensions familiales

Aliénor perd progressivement son influence sur son mari qui prend pour maîtresse la belle Rosemonde Clifford. Les interventions d’Henri II Plantagenêt sur le duché d’Aquitaine détériorent également leur relation. À cela s’ajoutent bientôt des tensions familiales.

Les fils d’Henri et d’Aliénor s’attendent à hériter tout ou partie des possessions de leur père. Henri le Jeune, héritier du trône, est quant à lui impatient de prendre le contrôle des territoires paternels. La décision d’Henri II Plantagenêt de donner les châteaux de Chinon, Loudun et Mirebeau à son dernier fils, Jean, contrarie ses autres enfants.

Loin de calmer les esprits, Aliénor soutient alors la querelle. Quelques barons anglais ainsi que Louis VII, roi de France, prennent parti pour la rébellion qui débute en 1173.

La reine capturée

Bientôt, les fils et leur père se réconcilient. Aliénor, comprenant qu’elle va subir le courroux de son époux, tente de fuir pour se réfugier en France. Elle est alors capturée par les hommes d’Henri II avant d’être placée en résidence surveillée.

Si sa peine s’allège sur la demande de ses fils, la reine n’est véritablement libérée qu’en 1189, 15 ans plus tard, à la mort de son époux.

Son veuvage lui permet de gouverner librement son duché d’Aquitaine. Elle soutient successivement Richard Cœur de Lion, puis Jean sur le trône d’Angleterre.

Fresque de la chasse royale Fontevraud

La grand-mère de l’Europe

Capable de représenter son mari ou de l’accompagner dans ses expéditions, la reine est considérée comme un modèle de vertu et de piété, intercédant entre le roi, représentant de Dieu, et le peuple, sur qui elle doit exercer sa charité.

Jouant le rôle de « Dame de paix », négociant des trêves, la souveraine doit s’efforcer de maintenir la paix dans son royaume, mais également au sein de la famille royale. Ainsi, la reine doit calmer les esprits, et ne jamais prendre parti.

« En réalité, Aliénor était une mère aimante, qui a eu beaucoup d’enfants, dont plusieurs deviendront rois. Elle aimait les arts et la culture, a parcouru l’Europe, est allée jusqu’en Terre Sainte. C’était une femme exceptionnelle. »

Femme exceptionnelle, qui, d’ailleurs, est morte à l’âge de 80 ans, à une époque où l’espérance de vie n’excédait pas 45 ans. C’est dans le Maine-et-Loire, à l’Abbaye royale de Fontevraud, que cette « grand-mère de l’Europe », au destin hors norme, a choisi de terminer sa vie. Pendant cinq ans, elle réside dans le village, entourée de ses serviteurs, et assiste aux offices de l’Abbaye, parmi les moniales.

Image : Chasse royale, fresque de la chapelle Sainte-Radegonde de Chinon. Datée de la 2e moitié du 12e siècle, elle mettrait en scène des membres de la famille Plantagenêt dont Henri II, Aliénor d’Aquitaine et Richard Cœur de Lion.

Photo : Chinpat CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

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