Isabelle d’Angoulême : une figure marquante de l’Abbaye

Isabelle d’Angoulême, née Isabelle Taillefer, (vers 1186 – 1246) est une figure centrale des conflits opposant les dynasties Plantagenêt et Capétienne. Unique héritière du comté d’Angoulême, elle est d’abord financée au compte de la Marche, Hugues IX de Lusignan. Mais, avec l’appui probable de son père Aymar de Taillefer, Jean Sans Terre épouse finalement la jeune Isabelle, le 24 août 1200, dans la cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême.

Isabelle devient ainsi reine d’Angleterre jusqu’à la mort de celui-ci en 1216. Veuve, elle retourne en France puis épouse en 1220 Hugues X de Lusignan. De cette seconde union naissent neuf enfants.

Isabelle Taillefer navigue entre pouvoir et scandales : son mariage avec Jean Sans Terre, présenté comme “forcé” et visant à contrer les Lusignan par certains chroniqueurs, n’était sans doute pas si contraint et lui permettait de tirer avantage de l’union. Son rôle dans la déstabilisation des possessions Plantagenêt en France lui vaut d’être accusée de manipulations, voire de sorcellerie et tentative d’empoisonnement du roi Louis IX, via deux cuisiniers commandités à sa demande en 1244.

Durant la régence de son fils Henri III, elle soutient les Lusignan, contribuant aux tensions avec le pouvoir anglais et capétien, en particulier lors de la Bataille de Taillebourg (1242) et le traité de Pons qui affaiblit considérablement ses intérêts territoriaux.

Le gisant d’Isabelle d’Angoulême est visible aujourd’hui à l’Abbaye royale de Fontevraud, aux côtés des gisants d’Aliénor d’Aquitaine, d’Henri II Plantagenêt et de Richard Cœur de Lion. Ce groupe exceptionnel constitue un ensemble funéraire unique en Europe, à la fois par sa qualité artistique et par la puissance symbolique de ces figures historiques.

Réalisée en bois polychrome, la sculpture funéraire d’Isabelle d’Angoulême attire le regard par sa sobriété. Couronnée et en tenue royale, elle incarne une figure à la croisée des mondes, entre France et Angleterre, entre autorité politique et mémoire spirituelle. Son expression, à la fois noble et silencieuse, reflète la place singulière qu’elle a occupée dans les équilibres dynastiques du XIIIe siècle.

Présentés dans la nef, à hauteur de regard, ces gisants invitent à une contemplation intime, dans un lieu où l’architecture romane renforce la solennité du moment. L’Abbaye de Fontevraud, à travers ce tombeau partagé, perpétue la mémoire d’Isabelle Taillefer et des grandes figures de la lignée Plantagenêt.

Installé dans la nef, entre les piliers de pierre et la lumière filtrée par les vitraux, ce monument funéraire témoigne de la place d’Isabelle parmi les grandes figures de la dynastie. Il constitue une étape incontournable de la visite, accessible tout au long de l’année.

Pour prolonger la visite, l’Abbaye propose un parcours immersif intitulé « Dans les pas d’Aliénor ». Cette expérience enrichie, accessible via smartphone ou tablette, plonge les visiteurs au cœur de l’histoire des Plantagenêt à travers des contenus audiovisuels et interactifs. On y explore le rôle des reines dans les stratégies politiques de l’époque, les rituels funéraires médiévaux, et l’évolution du site en nécropole royale. Ce dispositif permet de replacer Isabelle d’Angoulême dans une histoire plus large, au croisement du pouvoir, de la foi et de la mémoire. L’ensemble du parcours s’intègre naturellement dans la visite libre de l’Abbaye, offrant une lecture sensible et contemporaine de ce lieu chargé d’histoire.

Pour aller plus loin :

• Le musée d’Art moderne